Elora Weill Engerer
texte paru lors de l’exposition
‘A la volée’
Centre des cultures contemporaines le 109
Mai 2023, Nice
Amentia Siard Brochard a une pratique de sculpture, de vidéo et d'intervention dans l'espace. Son travail repose sur le recours à des gestes simples : poncer, recouvrir, déplacer. Les matières, de manière symptomatique, sont issues de l'univers domestique et industriel (limaille de fer, plastique, toile cirée). Dans le même temps, ils dérogent à leur fonction première utilitariste, consumériste ou symbolique - pour accéder à des non statuts, se loger dans l’interstice de l’indétermination et du silence. Nommés « figurants » par l’artiste, ils convoquent une réflexion sur les rapports sociaux, tout particulièrement sur la question de la marge et de ce qui vient en second plan. Il en va d’une lecture sociologique de l’espace d’exposition, par exemple dans l’intégration de considérations d’ordre architectural à la conception des pièces destinées à être traversées comme des lieux. Le lien au contexte constitue le point nodal de ces dispositifs qui ménagent des collusions précaires, considérant l’espace alentour comme étant d’une densité équivalente à l’objet physique. Ce sont des corps-aqueducs qui en résultent, ouvrant, sous les auspices de l’harmonie, les portes de l’art à l’état gazeux, pour paraphraser l’ouvrage d’Yves Michaud.
Tout espace est un espace produit, selon Henri Lefebvre. En 1974, l’auteur développe, dans La production de l’espace, l’idée que les espaces sont soumis à des logiques de domination et de pouvoir. À ces principes de contrôle et de suprématie, Amentia Siard Brochard oppose des rapports horizontaux et furtifs, cherchant constamment l’infiltration. Dans les bâtiments qui accueillent ses pièces, résonnent sourdement les cris et les chuchotements de leur anciennes fonctions. C’est à la périphérie de quelques indices concrets, ici et là, que se forment les réceptacles aux sensations volatiles et aux harmonies fluides. La lumière, l’eau et l’air, comme principales zones de contact, émancipent le regard d’une direction tutélaire tout en permettant à ce que des stratégies narratives jaillissent en cercles ou en zigzags. L’intervention infime entérine un état de fait, module savamment un glissement entre le champ de la chose et celui de l’être. Peu à peu, le processus d’appréhension esthétique se construit autour de concepts de connivence, d’empathie, voire de méfiance. Le temps, notamment, est ici une matière que l’on peut étirer, rouler, aplatir comme une pâte. On se concentre sur des «anti-formes» (nominatif inventé par Robert Morris), sur la recherche d’une sobriété plastique, sur l’action-peu et sur l’utilisation d’objets du quotidien ; le tout inscrivant la démarche d’Amentia Siard Brochard dans une approche post-minimaliste, plus particulièrement dans ce bégaiement de l’œuvre issu de la dissolution des catégories artistiques. Une «peinture» sera dès lors une huile de tournesol déposée à l’endroit d’une fenêtre de lumière sur un mur en béton. La trace est plus ou moins retenue ou absorbée, jouant des porosités et des disparitions. Une « sculpture » sera une forme issue d’une technique d’entre-pointe sur le tour à bois mais régie par les limites de la machine, etc. En d’autres termes, la matière est déplacée là où on ne l’y attend pas.
texte paru lors de l’exposition
‘A la volée’
Centre des cultures contemporaines le 109
Mai 2023, Nice
Amentia Siard Brochard a une pratique de sculpture, de vidéo et d'intervention dans l'espace. Son travail repose sur le recours à des gestes simples : poncer, recouvrir, déplacer. Les matières, de manière symptomatique, sont issues de l'univers domestique et industriel (limaille de fer, plastique, toile cirée). Dans le même temps, ils dérogent à leur fonction première utilitariste, consumériste ou symbolique - pour accéder à des non statuts, se loger dans l’interstice de l’indétermination et du silence. Nommés « figurants » par l’artiste, ils convoquent une réflexion sur les rapports sociaux, tout particulièrement sur la question de la marge et de ce qui vient en second plan. Il en va d’une lecture sociologique de l’espace d’exposition, par exemple dans l’intégration de considérations d’ordre architectural à la conception des pièces destinées à être traversées comme des lieux. Le lien au contexte constitue le point nodal de ces dispositifs qui ménagent des collusions précaires, considérant l’espace alentour comme étant d’une densité équivalente à l’objet physique. Ce sont des corps-aqueducs qui en résultent, ouvrant, sous les auspices de l’harmonie, les portes de l’art à l’état gazeux, pour paraphraser l’ouvrage d’Yves Michaud.
Tout espace est un espace produit, selon Henri Lefebvre. En 1974, l’auteur développe, dans La production de l’espace, l’idée que les espaces sont soumis à des logiques de domination et de pouvoir. À ces principes de contrôle et de suprématie, Amentia Siard Brochard oppose des rapports horizontaux et furtifs, cherchant constamment l’infiltration. Dans les bâtiments qui accueillent ses pièces, résonnent sourdement les cris et les chuchotements de leur anciennes fonctions. C’est à la périphérie de quelques indices concrets, ici et là, que se forment les réceptacles aux sensations volatiles et aux harmonies fluides. La lumière, l’eau et l’air, comme principales zones de contact, émancipent le regard d’une direction tutélaire tout en permettant à ce que des stratégies narratives jaillissent en cercles ou en zigzags. L’intervention infime entérine un état de fait, module savamment un glissement entre le champ de la chose et celui de l’être. Peu à peu, le processus d’appréhension esthétique se construit autour de concepts de connivence, d’empathie, voire de méfiance. Le temps, notamment, est ici une matière que l’on peut étirer, rouler, aplatir comme une pâte. On se concentre sur des «anti-formes» (nominatif inventé par Robert Morris), sur la recherche d’une sobriété plastique, sur l’action-peu et sur l’utilisation d’objets du quotidien ; le tout inscrivant la démarche d’Amentia Siard Brochard dans une approche post-minimaliste, plus particulièrement dans ce bégaiement de l’œuvre issu de la dissolution des catégories artistiques. Une «peinture» sera dès lors une huile de tournesol déposée à l’endroit d’une fenêtre de lumière sur un mur en béton. La trace est plus ou moins retenue ou absorbée, jouant des porosités et des disparitions. Une « sculpture » sera une forme issue d’une technique d’entre-pointe sur le tour à bois mais régie par les limites de la machine, etc. En d’autres termes, la matière est déplacée là où on ne l’y attend pas.